"Noces de glace", la mort en montagne

Une petite expédition en montagne tourne mal. Quatre touristes tombent dans une crevasse et meurent. Les secours retrouvent cinq corps... la montagne vient de rendre un corps, qu'elle tenait enfermée en son sein depuis quinze ans...


La mer et la montagne

Les deux extrême géographiques forgent semble-t-il les mêmes caractères humains. Les Bretons et les montagnards sont comme cousins parce qu'ils apprtiennent à un paysage qui les domine et les façonne. C'est pourquoi, quittant Quimper pour échapper au fantôme de son ancienne vie, son grand amour..., Martin Le Kerrec ne s'adaptera pas si mal aux vallées et montagnes de Chamonix où il prend ses nouvelles fonctions de Lieutenant de gendarmerie. Bien sûr, une nouvelle vie, mais la même passion pour son métier, la même curiosité feront de cet homme simple et désireux de trouver en chaque homme un côté positif, un enquêteur fin, qui ne dégaine pas et qui sent les liens invisibles tissés entre les gens.

La mer et la montagne, aussi bien, gardent leurs secrets, jusqu'au moment où il leur prend fantaisie de produire un dévoilement. Les drames qui en naissent sont affaire des hommes. La nature ne s'y oppose pas, ne s'en occupe pas. Les hommes doivent, entre eux, résoudre leurs affaires.

C'est ce qui se produit, parfaitement, quand le corps de Bertrand est découvert, « conservé » par la glace depuis quinze ans. On le disait parti en Australie, on le disait un peu voyou, tout le monde s'était fait à son absence. Ou tout le monde taisait ses sentiments...

Au bon secret des familles...

L'affaire criminelle, elle aussi, remonte à quinze ans. Un couple de Suisses retrouvés morts dans leur chalet, soumis à ce qui semble un rituel sataniste. L'enquête initial n'a rien révélé, et la bande locale — à laquelle appartenait Bertrand — n'a pas été inquiété. De l'époque ne reste qu'un gendarme, Orus, sans grande mais très expérimenté. Et l'affaire va en devenir une, du simple accident, quand une ancienne de la bande est retrouvée morte dans l'incendie criminel de son immeuble... L'enchaînement des faits entre eux et la précipitation des révélations va conduire à une crise entre les habitants, entre ceux qui savent et se taisent et ceux qui accusent — vindicte populaire — le père de Bertrand d'avoir tué son fils.

Du côté des enfants, si l'on excepte la révélation finale qui unit tout le monde dans le mensonge et la duplicité, pendant quinze ans, le drame a quelque chose de supérieur encore, c'est qu'il touche à l'amour. L'amour entre deux adolescents contre les volontés adultes... Bertrand voulait§ partir, avec son amoureuse (gardons un rien de suspens...) et l'enfant qu'elle portait, pour se créer un monde nouveau. La fille vit depuis le « départ » de Bertrand dans l'attente du retour, attente dont on la laisse espérer parce que Bertrand enverrait de ses nouvelles d'Australie... Une manière de complot du silence, où tous les protagonistes font chaîne autour des faits réels pour qu'ils n'apparaissent pas au grand jour. Et tout tient, dans une tension extrême, jusqu'à l'arrivée inopinée du breton de Lieutenant de gendarmerie.

Ce n'est pas un grand polar au sens premier du terme que ces Noces de glace, même si l'enquête file droit et que le personnage du Lieutenant est en tout point attachant, mais une prenante histoire où le drame familial le plus introverti ne se libère qu'au terme d'une enquête, manière de faire-valoir des ressorts de l'âme humaine. La partie « criminelle » est un présentoir, et s'il y a en effet plusieurs crimes, une manigance générale, un coupable assez diabolique et une enquête finalement menée comme un puzzle digne du who doned it, mais l'essentiel est ailleurs. L'essentiel est ce tableau des secrets de famille qui implose quand ce qui a toujours été tenu caché, contre ses propres forces mêmes à réapparaître, revient en plein jour dire le mensonge à la face de tous. Comme un film de Chabrol, le petit événement génère un drame qui remet tout en cause...


Loïc Di Stefano

Mikaël Ollivier, Noces de glace, Albin Michel, « special suspens », novembre 2006, 244 pages, 17 €

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