"Givre noir", femmes fatales à Epinal

Pelot le t
ouche-à-tout

Publié pour la première fois dans les années 70, Pierre Pelot fut un des piliers de la collection Fleuve Noir « anticipation ». Il est l’auteur de la série des Hommes sans futur, autrefois publiée dans la collection Presses Pocket. Le retrouver dans le polar peut paraître incongru mais Pierre Pelot n’en est pas à sa première tentative : L’Eté en pente douce par exemple fut un succès avant d’être adapté au cinéma. Qu’en est-il de Givre noir ?


Une intrigue efficace

Epinal de nos jours : un journaliste nommé Le Gerbier se rend sur les lieux d’une fusillade qui a fait une victime, une jeune fille nommée Véline, aussi superbe que mystérieuse. Il va à l’hôpital retrouver Mitidjène, qui a essayé de la sauver. Ce dernier commence à raconter son histoire, leur histoire…

Quelques mois auparavant : par une nuit d’été caniculaire, Mado, sexagénaire encore fringante, ramène un jeune homme chez elle nommé Dustin. A son mari Stany et à sa nièce Nell, elle le présente comme un ami de son fils décédé. Mais personne n’est dupe, Mado leur ment : Dustin est son amant et elle l’a choisi pour accomplir un dessein bien particulier :se débarrasser de Stany, riche mari, propriétaire d’usines qui lui a annoncé son intention de divorcer… La subtile mécanique bâtie par cette femme s’enraye quand Dustin commence un peu trop à s’intéresser à Nell, belle jeune fille dans l’éclat de ses vingt ans, sensuelle et par trop tentante. Quelques mois plus tard apparaît Véline, jeune fille mystérieuse, étudiante, qui entre la vie de Mitidjène : ce n’est autre que Nell qui fuit un drame qui ne va pas tarder à la rattraper…

La trame de ce roman est très classique : on retrouve la femme fatale, l’amant comme futur assassin, le riche mari comme proie potentielle, la jeune femme encore innocente et future prédatrice sexuelle. Pierre Pelot n’invente rien de nouveau,  mais la recette fonctionne. Les dialogues sont savoureux (on pense ici à ceux entre Stany et sa nièce Nell). Les motivations des personnages sont plutôt bien décrites. Pourtant, Givre noir aurait pu être meilleur.

Un style mal adapté

Rythmé et efficace, Givre noir contient pourtant trop de métaphores, qui ralentissent l’action comme la lecture, ce qui peut agacer les lecteurs attachés à un style plus ramassé, celui du roman noir. De plus, Pierre Pelot est bien connu pour son sens du picaresque : ne fut-il pas aussi l’auteur d’un cycle, entre le pastiche et l’hommage, dédié à Conan le barbare, intitulé Konnar le barbant ? Mais le style du roman policier, encore plus celui du roman noir, n’est pas aussi propice à un déluge de comparaisons et d’images aussi gratuites. Ou alors il faut aller dans le sens du délire stylistique propre à Pierre Siniac ou ADG : Givre noir en est loin…

Au final on a un donc un ouvrage sympathique - même si on a parfois l’impression d’avoir affaire à une première version, non aboutie dans certains passages -, dont les droits sont déjà vendus à la télévision mais qui aurait gagné à une écriture plus resserrée. Givre noir n’apporte donc rien de plus à la gloire de son auteur : il est cependant une très agréable lecture.

Sylvain Bonnet

Pierre Pelot, Givre noir, Éditions La Branche, collection "vendredi 13", mars 2012, 182 pages, 15 €

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