Filles des pierres - superbe, sensuel, surprenant

FILLES DES PIERRESLes trois S : superbe, sensuel et surprenant. Voici trois adjectifs qui viennent à l’esprit lorsque l’on referme Fille des Pierres. Superbe car les paysages du sud de la Hongrie y sont décrits dans toute leur sauvagerie. Sensuel comme le trouble que Jella découvre dans les bras d’André, un homme mystérieux venu de la Puszta, la plaine. Surprenant parce que ce roman de 180 pages concentre une palette d’émotions et de sentiments humains d’une intensité étonnante.

Jella, tout comme sa mère Giacenta, est trop belle et trop indépendante pour les habitants d’un petit hameau du sud de la Hongrie. Rejetée et méprisée, Giacenta fuit vers la mer pour trouver l’argent qui permettra à elle et à sa fille de partir. Jella, livrée à elle-même, se réfugie dans la montagne qu’elle aime tant. A la mort de sa mère, elle doit faire face à la solitude et se marie au vieux Pierre, le garde-barrière. Mais la montagne reste son refuge. Elles se ressemblent : abruptes, sauvages et indomptables. L’arrivée d’un homme de la Puszta, André, bouleverse la vie de la jeune femme. Il est son strict opposé et leur rencontre est explosive. Leur relation est un perpétuel affrontement qui ne peut s’achever que sur un drame.

Cécile de Tormay dépeint avec brio et dans un style original une psychologie féminine vraisemblable, profonde et intemporelle. Elle décrit les différentes étapes d’une relation amoureuse : la rencontre, l’attente de l’autre, la passion, la déception, l’incompréhension jusqu’à l’autodestruction. Mais cette magnifique introspection féminine (n’en déplaise à certains) n’est pas l’unique thème de Fille des Pierres. L’affrontement entre Jella, la fille de la montagne, et d’André, l’homme de la Puszta a des causes plus essentielles que celles de la rencontre entre un homme et une femme, des causes qu’il faut replacer dans le paysage littéraire hongrois du début du XXe siècle. Jella est instinctive, sauvage et passionnée tandis qu’André est un déraciné, nostalgique de sa plaine natale au tempérament flegmatique. Ce trait de caractère passé à l’époque pour un signe distinctif du caractère Magyars. Aussi, ce roman illustre-t-il la lutte entre l’âme de la montagne et de l’esprit de la plaine, une lutte entre deux cultures.

Fille des Pierres
s’inscrit ainsi dans le débat littéraire et politique de l’époque car ce thème de l’opposition entre deux civilisations va de pair avec une remise en question de la culture magyare qui assimilait traditionnellement les nationalités et les cultures étrangères mais qui se trouvait au début du XXe siècle en crise du fait de l’émergence des différentes consciences nationales. A travers la psychologie de ces personnages, Cécile de Tormay cherche à approfondir les conséquences de ces bouleversements à l’échelle individuelle.

Un roman magnifique à recommander aussi bien aux femmes qu’aux hommes qui en apprendront peut-être plus sur la nature des sentiments féminins.

Julie Lecanu

 

Cecile de Tornay, Filles des pierres, Viviane Hamy "bis", mars 2008, 182 pages, 7,50 euros
 

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