Lucien Jacques, une lettre d'Antibes

Thèmes Arts Correspondance Peinture Poésie

Lucien Jacques chez lui, à Montjustin dans les années 50. Photo Marcel Coen.

Rien de la commune bafouille en cette douce et chaleureuse missive signée Lucien Jacques où – fidèle à lui-même, ici tout en amicale générosité de cœur et pareil aussi en cela aux plus délicates de ses aquarelles, par exemple – il "repasse", en lieu et place de condoléances qui, écrit-il, ne sont pas, celles-là, de son fort, les moments intenses et mémorables d'une amitié restée à jamais en lui bien vivace.
Espace d'un volumen qu'il déroule céans, le temps de ces deux pages, s'y confiant de façon sensible sur son amitié de haute époque avec son correspondant l'écrivain Marcel Millet et aussi sur sa propre vie en 27, ayant alors abandonné Grasse pour Antibes, libre comme l'air tel un papillon passé, à ce moment-là, d'une fleur à une autre, poursuivant sa quête. Quête de l'essentiel, spirituelle, qui, constellant sa vie de points forts, le conduira, entre autres, au Contadour, et puis du Contadour au vieux moulin de Gréoux en passant par dix années des plus fertiles à Montjustin où c'est finalement là, au pied de la verte flamme d'un cyprès provençal planté de ses propres mains, qu'il repose, comme on dit, pour toujours parmi celles et ceux qui, chacun à leur façon, lui furent à un moment ou à un autre de plus ou moins proches compagnons de route, ou encore des êtres tout simplement rencontrés en chemin.

Si je n'envie certes à ce jour auprès d'aucun leur séjour sur l'autre rive, je jalouse cependant fort depuis toujours tous ceux-là qui le connurent sur celle-ci et l'y fréquentèrent, le virent y vivre et souvent créer en un clin d'œil, sur le pouce, comme par magie ou par enchantement extrême, sortir ainsi tel jour de chic de sa manche, autant d'aquarelles réussies qu'il voulait !

C'est que, rien à faire, les vrais artistes en son genre sont – mine de rien, sans s'en douter non plus – bien plus encore qu'ils ne paraissent ; se transcendant eux-mêmes en leurs œuvres, ils transcendent le temps.

André Lombard