Laurent Genefort, né en 1968, fait partie des rares auteurs français à
avoir réussi à trouver leur place dans un contexte éditorial difficile
pour la Science Fiction – citons Xavier Mauméjean comme autre
représentant de cette espèce très rare. Il s’était fait surtout remarqué
des amateurs avec la série Omale.Ces dernières années, il s’était tenu un peu à l’écart du genre : Memoria constitue donc son grand retour.
Un tueur à gages d’un nouveau type
« […] Ma manière d’opérer est un peu spécial : j’emprunte le corps des
gens. Ce boîtier jaune dans la mallette, va reconfigurer ton cerveau
pour accueillir ma conscience. »
Nous voici donc face à un
tueur plutôt original. Après avoir mis la main sur un artefact
extraterrestre, qui lui permet de passer de corps en corps en copiant à
chaque fois son esprit tout en acquérant ainsi la mémoire et les
compétences de son hôte, notre personnage est employé par les
« multimondiales » – nos multinationales ont donc bien grandi… - et est
spécialisé dans les contrats les plus difficiles, ceux qui rapportent le
plus aussi.
Le roman commence sur la planète Kuiper prime où
il est envoyé liquider le caïd local, Dunam. Pour ce faire, il prend
possession du corps de son médecin, Norodom. Sauf qu’il y a un hic :
lors du transfert est revenu ce qu’il appelle le « cauchemar noir ».
Happé par des visions issues des mémoires de ses hôtes, il perd le
contrôle de son corps d’accueil. Même si notre personnage accomplit sa
mission avec efficacité, il sait que ce cauchemar est lié à ses
origines, oubliées avec le passage des siècles. Pour tenir, il s’injecte
des souvenirs « positifs » volés à ses victimes. Cette « drogue » ne
fait cependant que repousser les échéances…
Désormais, ce
cauchemar revient lors de chaque transfert et s’incruste de plus en plus
profondément dans sa conscience comme une sorte de parasite. Les choses
se compliquent lors de son contrat suivant où le cauchemar noir
l’handicape tellement qu’il ne peut le mener à terme. Il prend alors
conscience que son existence pluriséculaire de tueur à gages touche à sa
fin.
Mélange des genres
L’auteur mêle habilement à la trame d’un space opera une histoire plutôt
policière. Il a d’emblée choisi une narration à la première personne et
un ton assez dépassionné qui évoque la tradition du roman noir
américain. Le personnage central est froid et analyse cliniquement
chaque situation, à la recherche des points faibles de ses victimes. Peu
sympathique au début du roman, il finit pourtant par susciter
l’empathie du lecteur. Car à l’angoisse née à chaque retour du cauchemar
noir naît des interrogations sur ses origines. Qui est-il ? D’où
vient-il ? Pourquoi est-il devenu un tueur à gages ? La chute du roman,
liée à ses origines, est d’ailleurs assez réussie.
On peut juste objecter que l’ensemble manque un peu de rythme, de nerf. Memoria donne en tout cas envie de lire d’autres ouvrages de Laurent Genefort. Sylvain Bonnet
0 commentaire