Aimée Castain ou L'école du ciel par, Élisabeth Barillé

Confinement oblige, librairies fermées, je n’ai pas encore pu me procurer L'école du ciel, le dernier ouvrage paru d’Élisabeth Barillé en lequel, je m'en réjouis, l'auteur évoque Aimée Castain, sa forte personnalité, sa vie et son œuvre : Peins ma fille, peins… Le jour commençait à baisser quand elle s’était enfin arrachée d’une ancienne fièvre. Une grande toile en était sortie, comme elle n’en peindrait jamais plus, avait-elle aussitôt compris. Une simple bâtisse dans l’herbe rase d’un vert cru, une bergerie, peut-être, tombée du ciel comme un météore…

Ainsi peint Aimée Castain, bergère de Haute-Provence. La montagne est dans le paysage. La mer nappe l’horizon, invisible, brumeuse, à soixante kilomètres. Et partout, la tendre sauvagerie des collines, les oliviers, les bories, la tentation de la couleur. Saisir sur la toile la beauté du monde. Son mari Paul ne comprend pas bien cette passion nouvelle, mais Aimée s’y donne, entièrement, tout en surveillant son troupeau. Peu à peu, son talent franchit la vallée, les amateurs achètent ses toiles, les journalistes écrivent sur le prodige. Une candeur de touche, un talent singulier, comme offert, par l’insaisissable : l’école du ciel, peut-être…
(Quatrième de couverture).

Aimée Castain – 1917-2015 - qu’avec bonheur j’ai bien connue, étant tout d’abord une amie de ma famille au sein d’une société rurale où tout le monde se connaissait. C’est pourquoi il me plaît d’en dire ici aujourd'hui déjà quelques mots en exergue d’un prochain compte rendu de lecture.

Aimée fait partie d’une constellation de talents autodidactes peu ordinaires – citons, par exemple, entre de nombreux autres eux aussi plus ou moins bien reconnus à leur juste valeur, Pierre MartelJules MouginLouis Pons, Serge Fiorio, Lucienne Desnoues et Lucien Jacques - dont je ne cesserai jamais de louer les qualités littéraires et/ou picturales en même temps que la franche originalité, la sincérité et l’audace, car tous à contre-courant d'un monde où trop souvent, de plus en plus souvent, l'on fabrique et conditionne un artiste à la façon d'un nouveau fromage ou d'un nouveau pain de beurre, le rendant ainsi capable de rivaliser, en vitrines, en galeries ou sur les foires, dans une course au succès devenue quasi purement et simplement commerciale.

Castain 1

                                                           La famille paysanne, huile sur toile, 24x33 cm.

 

Aimée, elle, s’est mise à peindre d'elle-même, d’un cœur pur, mais surtout, avant tout, par nécessité intérieure. Pour cela, il a d'abord fallu qu'elle s'invente de toutes pièces un métier et un art de peindre très personnels ; et cela, ce sésame, elle l'a obtenu, peu à peu, par les moyens du bord,... en peignant !
Excellente, efficace, quand du bout du pinceau, à l'huile ou à la gouache, au dessin parfois, au pastel aussi il me semble, elle nous raconte, la partageant ainsi, en aède, sa rude vie de paysanne et de bergère qu’elle transmute alors sous nos yeux, une œuvre après l'autre, en véritables pages de Riches Heures ; chacune des quatre saisons, ainsi que tous les souvenirs engrangés, lui inspirant son lot, bien à elle, de scènes particulières - cueillettes, entre autres, veillées, travaux saisonniers - où le vécu est transcendé ainsi qu'une foule impressionnante de purs paysages hauts provençaux sublimés, eux, par sa poétique vision du monde ; un imaginaire puissant et fécond lui prêtant, à mesure, également main-forte. Sans compter le rêve !

Aussi, jadis appris par cœur - d'abord pour le plaisir puis gardés en mémoire -, quatre alexandrins de Baudelaire me font, il est vrai, aujourd'hui irrépressiblement penser à Aimée et à sa vie peu banale, à son aventure, à son œuvre de peintre inspiré, singulier et original, tout entier accompli, il est vrai, à l'école du ciel, car en pleine nature :

Anges revêtus d’or, de pourpre et d’hyacinthe,
Ô vous, soyez témoins que j’ai fait mon devoir
Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte.
Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence...

 

André Lombard

Élisabeth Barillé, L'école du ciel, Grasset, mars 2020, 234 p.-, 18 €

La seconde partie de cette chronique se découvre ici

 

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