Giotto-Fiorio : le réel ? Materia prima !

C'est en 1855 que Courbet fonde l'emploi du réalisme dans l'histoire de l'art, avec un contenu précis, qu'il explicite et qui est sa propre théorie : On me traite de réaliste, eh bien, soyons réalistes !
Parler alors du réalisme de Giotto, ce qu'on trouve dans un certain nombre de livres en histoire de l'art, c'est à mon avis ne pas comprendre ce peintre. Que Giotto s'intéresse au réel, qu'il en ait une autre conception, un désir de le représenter autrement que ne l'a fait Duccio ou Cimabue, certainement. Mais ce n'est pas du réalisme, ou alors on ne comprendra plus pourquoi Courbet dit qu'il est réaliste et qu'il en est fier.

                                                               Daniel ArasseHistoires de peintures, Folio-essais.
 

Quoique résolument figuratif du début à la fin de son œuvre, Serge Fiorio ne s'en trouve pas pour autant être un peintre un tant soit peu réaliste ; non plus, plus largement, un peintre du réel.
Son registre est assurément celui d'un monde inventé de toutes pièces sous une autre lumière que celle du soleil, accordé en ses moindres détails à une certaine disposition d'esprit bien particulière : l'œuvre en entier s'y tient, homogène, se révélant être une sorte de rêve éveillé continu, en partie médiumnique, une vision véritablement à cheval entre âme et conscience. Monde qu'il contemple en esprit en même temps qu'il le peint.

Seuls les sujets subsistent en miroirs stables et fidèles des diverses étapes ou activités du déroulement de sa vie réelle au sens premier de cet adjectif : quand, à la fin de la guerre, il se souvient que, tout jeune encore, bien en amont, il chante en chœur avec ses compagnons ouvriers de la carrière paternelle, naissent de son pinceau Les Ouvriers au repos chantant rassemblés côte-à-côte au plan du mémorial, héros d'une épopée. Chanson de geste.

Pareillement quand, plus tard, à Montjustin, il coupe du bois en forêt, seul à seul avec son frère : des Bûcherons faisant la pause, ou en action, lui apparaissent, viennent peupler plusieurs de ses toiles par osmose entre le vécu et le temps intérieur ; jusqu'à former un thème riche et abondant de sa période ocre peinte sur isorel.

Et ainsi de suite, jusqu'à de plus subtils mouvements de l'âme, représentés différemment : dans l'imaginaire des ciels par exemple, ou encore par le timbre singulier d'une toile, en sa bien spécifique autant qu'intime résonance.

Le réel ? Materia prima !

André Lombard

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